Mon marathon de Nice

Je ne peux parler de mon aventure à Nice sans passer par les quelques mois qui précédent, ma décision de faire ce marathon avec mon ami de toujours Zaki et mon beau-frère Anis, de notre inscription au mois de Juin et de la préparation du programme d’entrainement.



L’année dernière, c’était ma première expérience du marathon, je l’ai bouclé en 4h33 et j’ai fait beaucoup d’erreurs de préparation. Heureusement qu’un an plus tard je suis beaucoup plus mur et surtout plus expérimenté.


Parallèlement à ce projet, On a créé, avec Heifa et Mohamed, le Running Club Tunis, club qui cible une population de personnes qui aiment courir mais qui ne trouvent pas le déclic pour commencer ou qui ne sont pas encore prêts pour les sorties de groupe des coureurs confirmés. Notre expérience de la course et la formation académique de Mohamed seront le garant d’une évolution pour ces coureurs pour qu’un jour ils seront prêt à passer le cap des semi et des marathons.


Donc le challenge est double, préparer son propre objectif et initier un groupe de coureurs débutants à passer le cap. Un plan minutieux a été élaboré avec 5 séances par semaines, 4 pour moi et une pour le groupe qui fera office de récupération active.

Avant le début de la préparation, une grosse mauvaise surprise, Zaki se blesse gravement et sa participation est fortement compromise. Je me concentre sur ma préparation, les heures de course s’enchainent et les kilomètres aussi. Des moment forts de bonheur, des moments de moins bien mais fort heureusement, j’avais la sortie de Samedi avec ma femme et le noyau d’un groupe du club qui s’étouffera au fur et à mesure des sorties. Ces sorties ont été les bouffés d’oxygène de ma préparation. Bien sur, tous mes amis coureurs ont apporté chacun une pierre dans cet édifice de confiance que je cherche à bâtir. Et le top ce fut cette dernière sortie de 5 petits kilomètres qui bouclent un total de 65O km au total et que j’ai parcouru avec beaucoup d’émotion.


Le Jour du départ, jour de Surprises, Zied qui vient avec nous, un grand nombre du club vient nous encourager, Wajdi, Yassine, je sens vraiment qu’on n’est pas tout seul.


L’arrivée à Nice, le temps est beau, Le gladiateur Ali BEN AMOR nous attend, les blagues fusent, l’ambiance excellente.
Premier détours dans le village départ avec Anis, Zied, et Radhouen, grande sécurité, organisation parfaite, les dossards retirés en quelques secondes, c’est la grande fête. Ensuite petit détour pour dévaliser la boutique décathlon, puisque ici l’équipement n’est pas toujours disponible et les prix sont excessifs.

Le lendemain, après un beau parcours touristique le matin, concocté par le grand Ali, deuxième passage au village avec Mohammed et Heifa avec beaucoup plus d’ambiance vu le nombre de coureurs présents. 



Ensuite comme des vrais pros, on fait la reconnaissance de parcours, je ne vous cache pas qu’il est très long, en descendant de la voiture, Anis m’a dit que juste en le regardant il a des crampes. Je faisais le courageux et je rigolais mais au fond j’étais pétrifié. Heureusement, un bon déjeuner sur la croisette et une visite d'un beau village typique nous fait oublier les enjeux de demain.

Sauf que nous pensons être seuls dans cette aventure, il s’avère que c’est faux, Sirine, en renard des surfaces, trouve le moment où nous somme tous connectés pour demander notre attention et nous bombarder de photos de notre groupe (dont ma femme) qui nous encourage, j’étais dans ma chambre et j’avais les larmes (je sais, un peu émotif ces derniers temps) j’ai senti une énergie comme je n’ai jamais senti, non, on n’était pas seul et je constate que toute l’équipe, qui n’existait pas deux mois plus tôt, est devenue une famille qui pousse dans un seul sens de Nice vers Cannes : 42,195 km.


Bien-sur, avec Anis, Zied et Radhouen, on en a rigolé puisqu'on pensait qu’on faisait notre truc tranquille, seuls, protégés par une foule de 13500 personnes et bien, rien de cela n’est vrai, on est exposé et suivi par tout le monde, on n’a pas trop de marge d’erreur, c’est le mauvais côté de la chose, mais ce mauvais côté est tellement BON.


Vous avez vu tout ce bavardage, c’est toujours mon côté sentimental. On y vient, le jour J, le jour de la course, le grand jour, qui est aussi, un jour de froid de canard. Avec Anis, on se lève à 4H30, on prend notre petit-déjeuner, et on sort dans la profondeur de la nuit, d’autre fous comme nous sont dans la rue, enveloppés dans des sacs en plastique pour se chauffer, on se rencontre tout le groupe, on se réchauffe comme on peut, en rigolant, en bougeant, en gesticulant mais surtout en rigolant (N’est pas Mohamed…) les navettes traversent la nuits pour conduire les coureurs au grand stade, lieu du  départ. Là bas, on dirait un grand match, des milliers de coureurs, des couleurs partout, mais le tout dans un silence mystique, le froid sans doute, mais surtout la concentration et le respect devant les kilomètres qui nous attendent. On attend le dernier moment pour se changer, on est toujours groupé, on s’encourage mutuellement, je continue mon numéro sur les ravitaillement et on se dirige machinalement vers les SAS des départs, on laisse Anis dans son SAS, tout en l’encourageant et on entre dans notre cage, Oh pardon SAS, et on essaye de passer le temps à prendre les photos. La minute d’applaudissement en hommage aux victimes de l’attentat de Nice (qui nous prive du départ sur la promenade des anglais) ensuite la Marseillaise, et puis le départ du SAS élite, notre tour viendra dans quelques minutes, on avance, j’entre dans ma bulle, je m’encourage, je ferme les poings, je tremble, froid, excitation, peur, émotion et je ne sais quoi encore et voila que je me trouve exactement sur la ligne, je déclenche mon chrono et je bouge mes jambes, machinalement, j’ai froid, je tremble encore, je cherche ma cadence, Zied est à côté de moi, on essaye de parler pour se réchauffer, je regarde autour du moi, je réalise la chance que j’ai en ce moment, je ne voudrais en aucun cas être ailleurs, la route défile , on est groupé, tout les quatre, heifa et Mohamed dans leur monde, Zied avec son monde (le téléphone) et moi dans ma bulle, c’est une épreuve personnelle, on le sait, on le comprend, chacun la Vivra seul mais on se la partagera tous.


Au kilomètre 5, en évitant la foule, je me retrouve 20 mètres devant mes coéquipiers, je tiens mon allure et je regarde souvent derrière pour voir qu’on est toujours ensemble, les ravitaillements défilent toujours pleins : eau, bananes, oranges, sucres, raisins secs etc… un bon petit déjeuner quoi … je prends à chaque fois deux morceaux de bananes et un verre d’eau que je consomme doucement sur une centaine de mètres plus loin et ça sera pareil pour tout le premier semi … au bout de 10 km, je ne vois plus mes amis derrière moi, connaissant mes capacités et les leurs, j’établis ma tactique de course, j’augmente mon allure légèrement pour prendre de l’avance, sachant qu’ils allaient certainement me rejoindre dans les 10 derniers km et je pourrais profiter de leur aspiration, mais tout cela reste théorique.

Bon, Il y a aussi le parcours, au bord de la mer, sur la plus belle côte de la méditerrané, la côte d'azur, parcours balisé, protégé, sécurisé, et très animé (je vous renvoie aux vidéos de Zied sur la page duClub pour découvrir l’animation tout le long du parcours) et surtout encouragé tout le temps ; au kilomètre 17 je dépasse Ali qui pousse une Goélette avec un infirme dessus, quand la grandeur et la noblesse porteront un nom, il sera tout naturellement Ali Ben Amor. Ensuite il y a une portion avec un aller retour où j’en profite pour revoir mes amis pas très loin derrière. On dépasse la baie des anges et on prend une longue ligne droite dans laquelle on passe la ligne du premier semi 21km, je regarde ma montre, 1H56, très bien, dans les temps, je fais un chek-up de mes membres, tout va bien, quelques douleurs à la plante des pieds, mais globalement ça va. A ce moment aussi, il y a de nouveaux coureurs qui rentrent en course, parce qu’il y a aussi les course en relais : 5*7km et 2*21km ; donc des coureurs frais entrent en course et le rythme est totalement chamboulé avec ses coureurs frais, mais j’essaye toujours de me concentrer sur mon allure. Je sais que le deuxième semi est beaucoup plus dur avec quelques bosses et un parcours plus technique.

Au 27ème, il y a la première difficulté, « le Hall Of Fame » une montée de 1,2 km, je la monte assez aisément mais c’est en descendant que ça se corse, une longue descente dans laquelle mes mollets commencent à souffrir, je perds le rythme, ma foulée est inconstante, mon allure diminue, et c’est tout naturellement que Mohamed et Heifa me rejoignent frais comme des bébés. Heureusement que j’ai concocté cette tactique, même si j’ai prévu qu’ils me rejoignent plus tard. Mais puisqu’on y est … je prends leur train, je reprends de la confiance et je regagne le rythme, au bout de 2 km, un ravito approche et je regarde leurs visages, et je sais que je ne pourrais pas tenir leur rythme et que je peux même les ralentir, sans oublier que je dois prendre mon ravito. Les ravitaillements de la deuxième partie sont plus copieux avec en plus des ingrédients précédents, plusieurs types de chocolat, du coca, des boissons énergétiques, des cakes, et beaucoup d’autres nourritures que je ne connais pas, et ces ravito, je les prenais en marchant tout le long de la cinquantaine de mètres que dure le ravito.

Au 35ème rentrent les derniers relayeurs du 5*7km, quand la plupart des coureurs tiennent à peine sur les pieds, vous avez vu que j’étais pas très content au niveau de 21 km, imaginez alors au 35ème, avec ces coureurs alertes qui partent à 13, 14 km/h, bon, autre épreuve morale …

Ce fameux 36ème, mon ami Selim, qui a déjà fait ce marathon, m’a tout le temps prévenu de ne pas s’arrêter, Ali la veille m’a dit la même chose, mais j’avais tellement mal aux mollets et à la plante des pieds que lorsque j’ai vu la pente après le ravito, mes jambes se sont arrêtées toutes seules, il fallait prendre une décision rapide, la pente je ne peux pas la passer en courant, vu mon état, et j’ai vraiment mal (sans être particulièrement fatigué) et bizarrement je décide de m’arrêter quelques minutes en profitant pour aller aux WC (puisque il y en a sur tout le parcours). J’ai certainement perdu quelques minutes (3,5 au total) mais cela m’a fait beaucoup de bien, bien sur j’ai monté la pente en marchant (cette fameuse pente, c’est seulement 200 m mais il faut se trouver là bas pour comprendre)

Ensuite je reprends pour les 6 derniers kilomètres, très techniques avec plusieurs faux plats, des rétrécissements de route, mais aussi un nombre extraordinaire de spectateurs qui encouragent à perdre haleine, en essayant de lire les noms sur les dossards, le mien est difficile et seulement une petit fille a réussi à le déchiffrer, les autres ont été bloqués à SKKK), ces 6 derniers kilomètres je les ai courus avec les tripes, j’avais mal, j’ai souffert le martyre au niveau de jambes, je doublais, j’essayais de garder un certain rythme, j’ai beaucoup pensé à mes enfants, je touchais mon dossard où leurs prénoms sont inscrits, j’ai pensé à ma femme, à mes parents, à ma sœur, je me battais, j'ai essayé d’ignorer la souffrance, je regarde beaucoup mon chrono (il y a un décalage de 300 mètres) ça sera juste, je pousse, j’avance, je regarde des coureurs tomber sur le bord de la route, la souffrance sur les visages, je ne suis pas le seul, j’ai mal, je dois tenir, pour moi, pour ma famille , pour mes amis, pour mon club, pour tous les gens qui sont derrière moi, je devine tous les membres du club collés à leurs écrans suivant la course en direct, j’imagine leurs mots d’encouragement à chaque passage chronométré, je revois leurs commentaires les jours précédants, j’ai les larmes aux yeux, je ne vois plus grand-chose, je suis une machine, je donne tout ce que j’ai, j’avance, 40, 41 c’est la dernière ligne droite, la croisette, je suis sur la croisette, je cours, je double, je regarde ma montre, toujours ces **** 300 m de décalage, 42, dans ma montre j’ai terminé le marathon je coupe la montre à 42,210 avec 3H59m20s (objectif atteint) et je profite des derniers mètres, du tapis, je lève les bras (je ne sais pas pourquoi), je passe la ligne, debout, souriant, fier, la tête haute, vainqueur, finisher.



La suite, quelle suite… il y a une vie avant un marathon et une autre après, à chacun de vous de vivre sa propre vie après le marathon, la mienne, je préfère la garder pour moi, mes sentiments et mes émotions d’après le marathon est ma propriété et je me donne le privilège de les garder …


« Ska »

7 commentaires:

  1. bravo , très belle aventure , beaucoup d'émotion dans ton récit de la course , on espère que ce sera le deuxième d'une longue liste de marathons , d'exploits , et d'aventures sportives .

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  2. Un très beau témoignage. En plus d'aimer courir, tu as la graine d'un écrivain. On devrait tous attendre l'écriture de ton premier roman.

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    1. Merci beaucoup semil, c'est en prenant exemple sur des hommes comme toi que j'espère avancer dans le vie

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  3. Tu as réussi ta course et tu as réussi à nous la faire vivre a travers ce beau récit. Les petites phrases du dernier paragraphe sont comme essoufflées et se succedent comme les derniers pas douloureux de ta course, c'est très émouvant. Merci pour le partage et encore bravo Skander!

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    1. Merci beaucoup amira, je n'oublie pas que tu es une des premières blogueuse en Tunisie et que tu as ouvert la voie à nous tous

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